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BABI YAR, LA "SHOAH PAR BALLES" EN UKRAINE

26/4/2023
Yann Lagarde
VIDÉO

Le 29 septembre 1941 commençait le massacre de Babi Yar, l'un des pires épisodes de ce qui fut plus tard appelé la "Shoah par balles". Un moment sombre de l'histoire ukrainienne.

C’est un véritable traumatisme longtemps occulté en Ukraine et l’un des pires massacres de la Shoah en Europe de l’Est. En 1941, plus de 33 000 Juifs ont été abattus en deux jours sur le ravin de Babi Yar.

Marie Moutier, historienne de la Shoah : "C’est le tout premier massacre d’une population juive entière d’une ville."

Une archive de l'ORTF de 1973 montre un témoin qui décrit ce qu'il a vu quelques années après les massacres dans le ravin de Babi Yar : "Quand j’ai marché pour la première fois sur la terre de Babi Yar, il y avait encore des tresses de cheveux, des étuis à lunettes, des chaussures d’enfants, des petits bas, tout cela était resté. J’ai vu aussi cette horrible cendre argentée d’ossements humains. Ce sont des choses qu’on n’oublie pas."

Septembre 1941, l’armée allemande, en pleine invasion de l’URSS, prend la ville de Kiev. Mais les Soviétiques ont piégé les bâtiments et des explosions visent les nouveaux occupants.

Les nazis prennent le prétexte de ces attentats pour se venger sur la population juive. Le 28 septembre, des affiches sont placardées dans toute la ville, elles ordonnent aux juifs de venir avec leurs biens à un point de rendez-vous.

Le lendemain, des milliers de juifs se présentent, croyant embarquer dans des trains pour être déplacés.

Des massacres perpétrés par les Einsatzgruppen, unités SS assistées de supplétifs ukrainiens

Ils sont emmenés près du ravin Babi Yar “le ravin de la vieille femme” à l’extérieur de la ville. Là, ils sont déshabillés, emmenés par groupes et abattus par les Einsatzgruppen, des unités SS mobiles qui sèment la terreur dans les territoires occupés.

Marie Moutier : "Les Einsatzgruppen étaient chapeautés directement par Heydrich et Himmler. Ces deux dignitaires nazis vont donner l’impulsion à ces Einsatzgruppen pour éliminer tous les opposants potentiels ou supposés du régime nazi et, en premier lieu bien entendu, les juifs. Tout ce qui se passe à l’Est au sujet de l'anéantissement des populations juives est suivi de très près par le pouvoir nazi."

Plus de 33 000 juifs sont abattus en seulement deux jours par les nazis, aidés de supplétifs ukrainiens.

D’autres massacres sont organisés dans le même ravin dans les mois qui suivent, visant juifs, prisonniers de guerre, communistes, Tziganes et otages civils. Les historiens estiment le nombre de victimes abattues dans ce petit ravin à 100 000.

Mais les dignitaires nazis veulent imaginer une autre méthode d’extermination qui solliciterait moins directement leurs soldats.

Marie Moutier : "En août 1941, Himmler assiste à une fusillade de juifs à côté de Minsk. Profondément bouleversé, il va enclencher à partir de ce moment-là une réflexion sur les méthodes d'extermination des populations juives visant à réduire l’impact psychologique de celles-ci sur les soldats ou les SS."

Progressivement, les Einsatzgruppen vont utiliser des gaz asphyxiants, d’abord dans des camions hermétiquement fermés, les Gaswagen, puis dans des camps, comme celui de Chełmno ouvert dès décembre 1941.

Babi Yar, un massacre longtemps occulté

Le massacre de Babi Yar est longtemps resté occulté en Ukraine, son caractère antisémite étant dissimulé et noyé parmi les millions d’autres victimes civiles soviétiques.

Marie Moutier : "Le IIIe Reich a conclu une sorte de pacte antisémite avec les nationaliste ukrainiens. En réalité, les nationalistes ukrainiens avaient participé massivement à des pogroms contre des juifs à l’été 1941 et en échange ils auraient enfin accès à l’indépendance de l'Ukraine. Évidemment, il s’agit d’un piège tendu par Hitler qui va mettre en avant cette participation ukrainienne à des fins de propagande nazie. Cette collaboration ukrainienne n’est absolument pas spécifique, elle est présente dans absolument tous les territoires de l’Est, aussi bien dans les pays baltes, en Russie, en Biélorusse et en Ukraine."

Le terme de “Shoah par balles” est forgé au début des années 2000, il est popularisé par le père Desbois, prêtre français qui documente les massacres en Europe de l’Est.

Marie Moutier : "Ce terme est très pratique mais il serait plus juste d’utiliser le terme d'"extermination des juifs sur les territoires soviétiques" car les fusillades n’ont pas été le seul moyen d'exécution. Un certain nombre d'entre eux a été déporté vers les centres de mises à mort, d’autres sont morts dans les ghettos ou dans les camions à gaz."

On estime que 1,5 million de juifs ont été exterminés sur le territoire ukrainien.